Chaque année, du 1er au 7 août, se tient la Semaine mondiale de l’allaitement maternel dans plus de 170 pays. Elle vise à promouvoir cette pratique bénéfique à la santé des nourrissons.
Cette semaine commémore la Déclaration « Innocenti » signée par l’UNICEF et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en août 1990 et visant à protéger, encourager et soutenir l’allaitement maternel. L’OMS recommande aux mères d’allaiter exclusivement leurs nourrissons jusqu’à l’âge de six mois, et de poursuivre en y associant une alimentation de complément jusqu’à l’âge de deux ans au moins.
L’allaitement : meilleur rempart contre la sous-nutrition
Selon le Lancet, l’allaitement est en effet le meilleur moyen d’apporter aux nouveau-nés les calories et nutriments dont ils ont besoin pour bien grandir, les protégeant ainsi de la sous-nutrition qui est en cause dans 45% des décès d’enfants de moins de cinq ans dans le monde. Le lait maternel couvre l’ensemble de leurs besoins pendant les premiers mois de vie et continue d’en couvrir jusqu’à un tiers dans la deuxième année. Cette pratique protège aussi le nourrisson des conséquences potentielles néfastes de la sous-nutrition grâce aux anticorps contenus dans le lait maternel. L’allaitement exclusif permet ainsi d’éviter que l’enfant consomme de l’eau souillée et diminue le risque de développer des maladies liées à la diarrhée, une des premières causes de mortalité infantile au niveau mondial. Selon l’OMS, si ces recommandations étaient respectées, plus de 800 000 vies d’enfants seraient sauvées chaque année.
Au-delà des premiers mois, l’allaitement maternel aide aussi à rester en bonne santé tout au long de la vie. Et ce parce qu’une bonne nutrition permet d’éviter les retards de croissance et favorise un bon développement cognitif. Ainsi, une fois adultes, les personnes qui ont été nourries au sein ont souvent une tension artérielle et un taux de cholestérol plus bas, et souffrent plus rarement de surpoids, d’obésité ou de diabète de type II. Elles obtiennent également de meilleurs résultats aux tests de QI. L’allaitement contribue aussi à la santé des mères puisqu’il permet de réduire le risque de cancer des ovaires ou des seins et aide à espacer les naissances, ce qui permet de sauver la vie de nombreuses mères, là où le taux de mortalité maternelle est élevé. Malgré cela, au niveau mondial, moins de 40% des nourrissons de moins de six mois sont allaités exclusivement au sein selon l’OMS.
Pour lutter contre la sous-nutrition, miser sur les interventions spécifiques
L’allaitement au sein est une pratique qui s’apprend, et vis-à-vis de laquelle de nombreuses femmes rencontrent des difficultés. La séparation de la mère et du nouveau-né, l’utilisation de pouponnières ou le fait de compléter l’alimentation des nourrissons par des substituts au lait maternel, pratiques pourtant courantes, compliquent l’allaitement au sein.
Le lait en poudre pour nourrissons en est un bon exemple, car il peut faire courir des risques de sous-nutrition à certains nouveau-nés. Il ne contient pas les anticorps présents dans le lait maternel et peut comporter certains risques : utilisation d’eau non potable ou de matériel non stérilisé lors de la préparation, présence possible de bactéries, dilution trop importante dans un souci d’économie… Par ailleurs si les préparations sont souvent chères : dans certains pays, les ménages dépensent jusqu’à 75% de leur revenu pour payer le lait en poudre, ce qui contribue à appauvrir les plus vulnérables. Le secteur des laits en poudre est un marché très lucratif, alimenté notamment par des pratiques commerciales abusives, qui détournent les mères de l’allaitement. Un code international destiné à réglementer la commercialisation de ces produits et à contrôler les pratiques abusives détournant les mères de l’allaitement a été adopté en 1981 par les Etats membres de l’Assemblée mondiale de la santé.
L’allaitement fait partie de la dizaine d’interventions spécifiques à la nutrition identifiée par le Lancet dont par exemple la supplémentation en vitamine A ou en fer. Ces interventions pourraient sauver des millions de vies, mais elles sont pour l’instant insuffisamment financées et disponibles au sein des systèmes de santé. Le Lancet estime que si les interventions spécifiques bénéficiaient d’une couverture de 90% dans les pays les plus touchés par la sous-nutrition, la mortalité des enfants de moins de cinq ans pourrait être réduite de 15%.
Concernant l’allaitement, il s’agit de mieux former les personnels soignants à accompagner les mères lors de la mise au sein et à promouvoir l’allaitement à toutes les échelles du système de santé ; et d’établir un cadre politique et législatif favorable (encadrement de la commercialisation des substituts de lait maternel, congés maternités indemnisés,..)
La France, à la traîne sur les interventions spécifiques à la nutrition
La France, en tant qu’Etat membre, a adopté la cible mondiale de l’OMS qui vise à augmenter le taux d’allaitement exclusif jusqu’à 6 mois d’au moins 50% d’ici 2025. Cette cible fait partie d’une série de six afin de lutter contre la malnutrition sous toutes ses formes.
Selon la Banque mondiale et le think-tank Results for development 69,9 milliards de dollars seraient nécessaires d’ici 2025 pour atteindre les cibles relatives au retard de croissance, à l’anémie, à l’émaciation et à l’allaitement. Ainsi, un investissement de 5,7 milliards de dollars en 10 ans permettraient que 105 millions d’enfants supplémentaires soient allaités exclusivement et que 520 000 vies d’enfants soient sauvés.
En 2014, la France n’a alloué que 6 millions de dollars à des interventions spécifiques, alors même que la nutrition est une priorité politique de développement française inscrite dans la loi (LOP-DSI). Ce montant est de près de 20 millions pour un pays comme l’Irlande, et de plus de 50 millions pour l’Allemagne. Le Collectif Santé Mondiale demande donc à la France d’allouer 200 millions d’euros, de 2016 à 2020, aux interventions spécifiques à la nutrition.
Pour plus d’informations L’article du Lancet, « Why invest, and what it will take to improve breastfeeding practices? » Nigel C Rollins, Nita Bhandari, Nemat Hajeebhoy, Susan Horton, Chessa K Lutter, Jose C Martines, Ellen G Piwoz, Linda M Richter, Cesar G Victora, on behalf of The Lancet Breastfeeding Series Group Sur les cibles mondiales de l’OMS Sur l’étude de la Banque mondiale et de Results for development Invest in nutrition (en anglais)