30 Nov 2016

Lutte contre VIH-sida : Besoin financier ou volonté politique ?

30 Nov 2016

« D’ici à 2030, mettre fin à l’épidémie de sida » c’est ce à quoi s’est engagé l’ensemble des Etats membres des Nations unies en septembre 2015. Utopiste ou simplement optimiste ? La question de la faisabilité de cet objectif se pose et nous interroge sur les besoins nécessaires à son accomplissement.

Les avancées de ces dernières années sont majeures et les outils nécessaires à la fin de l’épidémie existent. Cependant, il faut agir vite, et l’ONUSIDA avertit « si le niveau actuel, sans précédent, de couverture des services VIH est simplement maintenu, nous perdrons du terrain et connaitrons à nouveau une hausse du nombre de nouvelles infections et de décès liés au sida ». L’intensification et l’accélération de la riposte ces cinq prochaines années est donc essentiel pour éviter toute résurgence de la maladie et une augmentation des coûts futurs.

Car, en effet, investir maintenant dans l’accélération de la riposte contre le VIH, c’est préserver des vies et faire des économies pour demain. En plus, des 21 millions de décès et 28 millions d’infections à VIH évités d’ici 2030, l’accélération de la riposte permettra une économie de 24 milliards de coûts supplémentaires pour les traitements VIH et un retour sur investissement humain, social et économique 15 fois supérieur au montant engagé. Des gains financiers non négligeables pour les nombreux pays qui, comme la France, doivent faire face à un contexte de restriction budgétaire important.

Certes, cette accélération, estimée à 31,1 milliards de dollars d’investissements d’ici 2020, nécessite un effort financier de la part des Etats. Cependant, les solutions pour accroître les moyens financiers dédiés à cette riposte ne manquent pas:

  1. Réduction du coût des produits : Le financement des traitements antirétroviraux étant le principal coût de la lutte contre le VIH-sida, il est essentiel d’encourager l’accès à l’ensemble de ces traitements à des prix abordables, notamment dans les pays en développement. La France a fait un premier pas en ce sens dès 2006 en initiant UNITAID, une organisation internationale d’achats de médicaments contre les pandémies de sida, de tuberculose et de paludisme. En participant à la division par 10 des prix des médicaments, UNITAID, a permis à près de 18,2 millions de personnes vivant avec le VIH de bénéficier d’un traitement antirétroviral contre seulement 1,6 million en 2006. Néanmoins, le prix des médicaments les plus récents de 2e et 3e ligne – nécessaires pour les patients qui n’ont plus d’autres options thérapeutiques – demeure très élevé et inabordable pour certains pays, notamment à cause du monopole exercé par les compagnies pharmaceutiques. En permettant de dégager une part des financements consacrée à l’achat de ces médicaments, la lutte contre leur prix trop élevé permettrait donc un premier pas vers l’accélération de la lutte contre le VIH-sida, sans même en augmenter les financements.
  2. Financements innovants : Ils consistent à lever de nouveaux fonds pour répondre aux besoins du développement. En France, ils prennent la forme de plusieurs mécanismes dont la Taxe sur les transactions financières (TTF) affectée à 50% au Fonds de solidarité pour le développement ; et la taxe sur les billets d’avions consacrée au financement d’UNITAID. Indolores, ces financements innovants permettent de dégager, chaque année près de 700 millions d’euros pour le développement. Toutefois, encore insuffisants pour répondre à l’ensemble des enjeux du développement, ces mécanismes peuvent se développer ou être améliorés. A titre d’exemples, l’élargissement de la TTF aux opérations dites intra-journalières permettrait à la France de dégager 2 à 4 milliards d’euros supplémentaires ; et l’augmentation de son taux de taxation à 0,5%, comme au Royaume-Uni, permettrait de rapporter 3 à 4 milliards d’euros au Trésor public français au lieu des, à peine, 1 milliard actuel.
  3. Gains d’efficience : Etroitement liée à la question des droits humains, l’épidémie de sida est révélatrice des faiblesses des systèmes de santé des pays et de la vulnérabilité accrue de certains groupes au risque d’infection au VIH. C’est pourquoi l’accélération de la lutte contre l’épidémie nécessite de concentrer les investissements et les actions sur les régions et les populations les plus prioritaires en s’adaptant aux réalités spécifiques des contextes d’interventions. Seule une vision holistique de ces enjeux, intégrant le renforcement des systèmes de santé, la couverture santé universelle et la lutte contre les facteurs de vulnérabilité et de discriminations, permettra de produire le plus fort impact et une riposte durable.

Ainsi, l’enjeu de la lutte contre le VIH-sida ne porte pas tant sur les besoins financiers qu’elle nécessite pour être menée à bien, que sur la volonté politique réelle des Etats de mettre les moyens nécessaires à la fin à l’épidémie du VIH. Les solutions et les moyens de financements existent, il s’agit maintenant pour les Etats de choisir rapidement entre intérêt à court-terme ou stratégie à long terme. A l’heure de l’adoption du projet de loi de finances pour 2017, la question reste ouverte. Si la France a annoncé le maintien de sa contribution au Fonds mondial pour le triennal 2017-2019, elle n’a toujours pas honoré pleinement la période précédente (80 millions d’euros manquent encore) et diminue, en parallèle, chaque année un peu plus sa contribution à UNITAID, passant d’une contribution originelle de 110 millions à une contribution de 100 millions en 2015, 95 millions en 2016 et 80 millions prévus en 2017. Utopiste ou simplement optimiste, l’atteinte de l’objectif de fin de l’épidémie de sida d’ici 2030 reste donc conditionnée à la concrétisation de la volonté politique des Etats.

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