27 Oct 2016

A l’occasion de la conférence européenne EuroNGOs 2016, le gouvernement français se dote de son premier rapport de stratégie sur l’Action extérieure de la France sur les enjeux de Populations et Droits et santé sexuels et reproductifs

27 Oct 2016

Les 4 et 5 octobre dernier, le Mouvement français pour le Planning Familial, en partenariat avec Médecins du Monde et Equilibres & Populations, a accueilli la conférence annuelle du réseau européen EuroNGOs pour les droits et la santé sexuels et reproductifs (DSSR).

176 représentant-e-s d’organisations de la société civile, d’agences des Nations unies, de gouvernements européens, et notamment français, se sont réuni-e-s pour échanger et identifier des solutions aux défis liés à la mise en œuvre du Programme de développement 2030. Un an après le lancement des Objectifs de Développement Durable (ODD), la conférence s’était donné comme objectif de renforcer la mobilisation de la société civile et l’engagement des Etats – notamment européens – pour les droits, la santé des femmes et l’égalité de genre.

Une place importante a été accordée aux sujets toujours fortement clivants sur la scène européenne et internationale, notamment le droit à l’avortement. La conférence EuroNGOs s’est d’ailleurs déroulée au lendemain du « Lundi noir » de manifestation en Pologne contre le projet de loi anti-avortement, comme un signe que rien n’est acquis et que la mobilisation doit être permanente. Un appel a été lancé à l’Europe de porter une voix forte, unie et progressiste ; le plaidoyer devra se poursuivre et se renforcer, car force est de constater que l’Europe est divisée sur le sujet. En effet, il existe d’une part, une Europe favorable aux droits sexuels et reproductifs n’hésitant pas à affirmer ces droits comme des droits humains fondamentaux. D’autre part, demeure une Europe restrictive bafouant les droits des femmes à faire des choix et à disposer librement de leur corps.

Stratégie de promotion et réalisation des DSSR : une première de l’action extérieure de la France

C’est dans ce contexte européen et mondial et à l’occasion de la réception de la conférence EuroNGOs que le Ministère des Affaires étrangères et du Développement international a présenté le rapport de stratégie sur « L’action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits et santé sexuels et reproductifs » pour la période 2016-2020. Ce rapport a été lancé en présence d’André Vallini, Secrétaire d’État au Développement (MAEDI) et à la Francophonie, de Laurence Rossignol, Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, et du Directeur Exécutif du Fonds des Nations Unies pour la Population, Dr Babatunde Osotimehin.

Si nous regrettons qu’en dépit de cette représentation de haut niveau, l’officialisation de cette stratégie n’ait pas fait l’objet d’une communication externe soutenue de la part du MAEDI notamment, nous espérons que les parties concernées par cette stratégie pourront s’en approprier les concepts clés.

Ainsi, la France s’est dotée de sa première stratégie dédiée aux droits et à la santé sexuels et reproductifs en lien avec les enjeux de population et de développement. Par cette stratégie ambitieuse, la France prévoit de faire face aux défis démographiques du XXI siècle en misant sur l’amélioration des cadres normatifs, l’accès renforcé aux méthodes modernes de contraception et aux services de santé sexuelle et reproductive en particulier pour les jeunes. Cette stratégie place le plein exercice des droits sexuels et reproductifs au cœur du progrès vers l’égalité et le développement durable : « La promotion des droits sexuels et reproductifs est devenue un marqueur du plaidoyer politique de la France en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ». Nous resterons attentifs à ce l’approche par les droits guide effectivement la mise en œuvre des projets d’aide au développement en SSR et ne cède pas face aux considérations démographiques.

Point faible de cette stratégie : un budget d’exécution très réduit.

A l’heure actuelle, aucun plan de financement n’est adossé à cette stratégie pluri-annuelle. Même si une enveloppe de 10 millions d’euros, (soit un renouvellement à la baisse de la contribution au « Fonds Français Muskoka » géré par 4 agences des Nations unies), a été annoncée pour la période 2016-2017. Nous demeurons très loin du budget associé à la lutte contre la mortalité maternelle et infantile dans le cadre de l’Initiative de Muskoka ces cinq dernières années : 488 millions d’euros entre 2011 et 2015. Cet effort est donc largement insuffisant au regard des besoins des populations et des objectifs que s’est fixé la France pour faire progresser l’accès aux droits et santé sexuels et reproductifs. Le Secrétaire d’Etat, M. Vallini « a bien entendu que ce n’était pas suffisant » et reconnait que l’investissement de la France est bien inférieur par rapport à ses voisins européens tels que « la Suède » mais « les contraintes budgétaires » fortes influent sur le montant de l’aide publique au développement affecté à ce secteur. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette justification : même dans un contexte économique délicat, l’accès de toutes et tous aux droits et à la santé sexuelle et reproductifs doit être une priorité. L’engagement de la France restera sans effet s’il n’est pas doté des moyens de mise en œuvre adaptés et risque d’annuler les progrès acquis grâce à l’Initiative Muskoka.

L’indispensable engagement de la France pour les DSSR

La France doit formuler un engagement financier spécifique en faveur des DSSR en cohérence avec sa stratégie politique et dans une logique de pérennisation des investissements réalisés depuis 2011. Cet engagement doit être substantiel et s’inscrire dans la durée, car les programmes pluri-annuels sont les seuls à produire des résultats concrets, dans un domaine où les changements sociaux se pensent à l’échelle d’une génération. Ainsi, la France doit traduire son engagement politique répété par un engagement financier sur cette thématique. Le quinquennat de François Hollande doit s’achever sur un renouvellement significatif de l’engagement pour les DSSR.

Nous demandons donc l’annonce d’un nouvel engagement de 100 millions d’euros en dons par an jusqu’en 2020 pour le financement d’interventions couvrant l’ensemble du continuum de soins en santé sexuelle et reproductive et systématiquement développées selon une approche par les droits.

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