30 Mai 2016

Women Deliver : les droits et la santé sexuels et reproductifs sont la clé du développement durable !

30 Mai 2016

Equilibres & Populations, Médecins du Monde et le Planning Familial ont participé à la conférence Women Deliver qui s’est tenue à Copenhague du 16 au 19 mai 2016. 

Women Deliver, la plus grande conférence mondiale sur la santé et les droits des femmes et des filles, s’est tenue du 16 au 19 mai à Copenhague. Plus de 5000 personnes, représentants politiques, avocats, journalistes, chercheurs, entrepreneurs et acteurs de la société civile venus du monde entier se sont réunis avec pour objectif de faire progresser les droits et la santé sexuels et reproductifs des femmes et des filles à l’horizon 2030.

Les Objectifs du millénaire pour le développement ont permis des avancées significatives en matière de réduction de la pauvreté et d’amélioration de la santé, mais ces progrès demeurent très inégaux selon les pays et les populations, laissant notamment les femmes de côté. Alors que le taux de mortalité maternelle a diminué de 45% dans le monde entre 1990 et 2015, Katja Iversen, directrice de Women Deliver, a rappelé qu’il stagnait depuis 2012. L’exercice des droits sexuels et reproductifs et l’accès à des services de santé complets et de qualité est encore loin d’être une réalité pour une majorité de femmes et de filles à travers le monde.

  • Chaque jour, 800 femmes meurent de causes évitables liées aux complications dues à la grossesse et à l’accouchement. Ces décès se produisent à 99% dans les pays en développement.
  • 225 millions de femmes qui souhaiteraient éviter ou retarder une grossesse n’ont pas accès aux services et méthodes de contraception. 23 millions d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans et vivant dans les pays en développement ont un besoin non satisfait en contraception.
  • L’avortement non médicalisé, 3ème cause de mortalité maternelle, entraine chaque année le décès de 47 000 femmes et des séquelles graves chez 5 millions d’autres. L’avortement non médicalisé concerne 3 millions d’adolescentes dans les pays en développement.

« Women deliver much more than babies »

La conférence Women Deliver a été l’occasion du lancement de la campagne « Deliver for Good » qui vise à assurer la prise en compte du genre et la réduction des inégalités dans la mise en œuvre des 17 Objectifs de développement durable (ODD). Cette initiative appelle à la mobilisation et l’engagement de l’ensemble des acteurs du changement social pour renforcer le pouvoir d’agir des femmes et des filles en plaçant leur droit à décider de leur sexualité, de leur santé et de leur vie au cœur des enjeux de développement durable.

Le droit et l’accès des femmes à l’éducation sexuelle, à la contraception et encore plus à l’avortement demeurent des sujets particulièrement clivants. Malgré des textes internationaux supposés protéger les droits des femmes, un grand nombre d’Etats conservent des législations et des pratiques entravant l’exercice des droits sexuels et reproductifs. A cela s’ajoutent de multiples points de blocages socioculturels et religieux qui tendent à maintenir les inégalités de genre.

Pour la première fois, la problématique de l’accès à l’avortement sûr et légal a été débattue au cours d’une séance plénière à Women Deliver, en plus de lors de diverses sessions concurrentes. L’importance de l’éducation à la sexualité, notamment chez les jeunes, la notion de sexualité positive et de plaisir ont également été à l’ordre du jour de plusieurs évènements.

Ces évolutions encourageantes participent à la démarche globale et fondamentale d’envisager ces sujets sur le terrain des droits et pas seulement de la santé ou des tendances démographiques, de penser les femmes comme des individus responsables et pas seulement en tant que mères. Il est essentiel de continuer à avancer sur cette voie pour lever les tabous et les barrières qui mettent en danger la vie des femmes et des filles et nient leurs droits fondamentaux. La France, frondeuse sur ces sujets, doit plaider auprès de ses pays partenaires et au sein des agences de l’ONU pour une amélioration du cadre légal entourant les interruptions volontaires de grossesses.


La situation en Afrique de l’Ouest francophone est particulièrement préoccupante. Cette région comptabilise 1.8 millions d’avortements non médicalisés pratiqués chaque année et enregistre le taux de décès des suites de ces avortements non sécurisés, le plus élevé au monde. Du fait d’un accès très marginal à l’information et à la contraception, les filles mineures et les femmes non mariées sont particulièrement exposées au risque de grossesses non désirées et de fait, de mortalité et morbidité maternelle.
La faible représentation de l’Afrique de l’Ouest francophone à Women Deliver, comme dans la plupart des conférences internationales sur les enjeux de droits et santé des femmes, traduit le manque de visibilité de cette région qui concentre des besoins prégnants et les plus faibles investissements.


Quelle mobilisation politique et financière à l’appui des droits des femmes et de l’Agenda 2030 ?

La réalisation des ODD pour 2030 dépend notamment de la capacité des Etats à répondre aux défis liés aux droits et à la santé sexuels et reproductifs. A l’occasion de Women Deliver, la Fondation Bill et Melinda Gates a fait l’annonce d’un engagement de 80 millions de dollars sur trois ans en vue de combler les manques de données relatives au genre et accélérer les progrès en faveur des femmes et des filles. Le bailleur Amplify Change a également profité de la conférence pour lancer un nouveau fonds.

Les représentants de plusieurs Etats se sont engagés à Copenhague à appuyer la mise en œuvre des ODD dans une perspective de renforcement des droits des femmes et d’égalité de genre, alors même que l’UNFPA annonce un déficit de 140 millions de dollars en matière lutte contre la mortalité liée à la grossesse et à l’accouchement. La parole doit être suivie par des actes. La France doit se donner les moyens de répondre durablement et efficacement aux besoins des populations. Pour ce faire la part de l’aide publique au développement allouée aux enjeux de droits et santé sexuels et reproductifs doit être ascendante et constante, tendance que plusieurs Etats européens homodoxes ont déjà confirmée.

L’initiative de Muskoka est arrivée à échéance fin 2015 et aucun nouvel engagement financier substantiel n’a été annoncé depuis, malgré le rôle moteur de la diplomatie française pour faire progresser les droits sexuels et reproductifs sur la scène européenne et internationale. Nous attendons de la France un engagement financier spécifique en faveur des DSSR.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire des 10 millions d’euros promis au Fonds Muskoka lors de la journée internationale de lutte contre les fistules obstétricales ! La stratégie sur les droits sexuels et reproductifs et les enjeux de population devrait être publiée au début de l’été, elle devra s’accompagner de modalités claires de mise en œuvre. Nous demandons un ré-engagement à hauteur de 100 millions d’euros minimum par an jusqu’en 2020 pour financer spécifiquement des programmes en faveur des droits et de la santé sexuels et reproductifs.

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